Portrait

Natalia
Garrido

J’ai vraiment grandi pendant mes années au Cours Florent en tant que comédienne. 

Campus Bruxelles
Année
élève
  • Natalia, d’où viens-tu ?

J’ai 34 ans, je viens d’Uruguay, en Amérique latine. J’y suis née et y ai passé mes vingt-quatre premières années, entre le Brésil et l’Argentine ! J’ai ensuite vécu deux ans en Espagne, puisque ma famille y avait emménagé quelques années auparavant. Puis j’ai atterri en Belgique, il y a maintenant 8 ans ! Je suis arrivée au Cours Florent Bruxelles deux ans et demi après mon arrivée en Belgique. 

J’ai fait une Ecole Supérieure en théâtre en Uruguay. On avait des cours tous les matins du lundi au vendredi, avec des cours de chant, d’interprétation… C’était une école autour des arts de la scène en général. J’ai stoppé ma carrière de comédienne en Espagne. Une fois en Belgique c’était devenu une nécessité : je voulais reprendre le théâtre. Mon expérience avait été majoritairement en espagnol, et je voulais relever ce défi d’être aussi à l’aise en français que dans ma langue maternelle. Je le parlais déjà puisqu’en Uruguay, j’avais été dans un lycée français, mais je n’avais pas cette aisance un peu littéraire.

Je connais le Cours Florent depuis longtemps. En Uruguay, j’avais vu le film Amélie Poulain. Ça a été un gros succès en Amérique latine et j’avais adoré l’actrice Audrey Tautou. Ajouté à cela une grande envie d’aller en Europe, j’ai commencé à faire des recherches sur elle, sur son parcours. J’ai vu qu’elle avait étudié au Cours Florent.

  • Quels ont été tes premières expériences professionnelles sur un plateau ?

En Uruguay, j’ai participé à deux projets, en sortant de l’école. Avec une metteuse en scène uruguayenne nous avons monté une pièce d’un auteur local et contemporain. L’écrivain était avec nous pendant les répétitions et il réécrivait les scènes au fil de notre travail ; nous partions des scènes écrites, nous improvisions, et il réécrivait en fonction de cela. On a joué dans deux théâtres pendant presque un an.

Ensuite, avec une autre collègue, nous avons postulé pour un projet d’écriture du Centre Culturel d’Espagne en Uruguay, qui lançait un concours pour une scène à deux. Mon amie a écrit la pièce, on l’a proposé à deux. On a aussi repris ce programme dans des sortes de théâtre-cabaret.

  • Qu’est ce qui a motivé ton départ en Espagne ?

Je voulais surtout rejoindre ma famille. Ils avaient emménagé avant moi, pendant que je finissais mes études. Mais aussi je voulais vivre de nouvelles choses, vivre et travailler en Europe, c’était un rêve.

J’ai donc arrêté de faire de la scène. En parallèle du théâtre, j’avais passé une licence en Biologie. J’ai consacré mes deux années en Espagne à cette voie, j’ai fait un Master en Biologie. C’est ça qui m’a amené en Belgique, j’y ai décroché un stage. Le Cours Florent Bruxelles n’était pas encore ouvert. Je cherchais à faire du théâtre mais je ne trouvais pas de cours le soir, c’était la condition, pour pouvoir travailler à côté : j’étais employée dans une entreprise de fabrication de vaccin. J’y travaille toujours ! A partir de 17h30, je me transforme pour ma passion ! C’est ça qui me motive, qui me dynamise.

Quand j’ai vu l’annonce de l’ouverture du Cours Florent à Bruxelles, et qu’il y avait la possibilité de cours du soir. Ça a été un déclic.

C’était une grande découverte, c’était mes premiers pas vers le théâtre en français, mes premières rencontres avec des gens passionnés comme moi en Europe. J’en garde un beau souvenir. D’autant qu’on s’est toutes et tous retrouvés ensuite dans le cursus de formation de l'acteur. Sarah Siré aussi, qui a animé notre stage de théâtre, nous l’avons retrouvé en tant que chargé de cours en Première et en Troisième année. Une chouette anecdote : nous avons, pendant le stage, travaillé sur La Ménagerie de verre de Tennessee Williams. Quand j’ai commencé l’école en Uruguay, le premier examen avait été sur cette même pièce. Sauf que j’avais joué la petite fille, Laura, et pendant le stage j’avais interprété la mère ! Ça faisait sens ! C’était un chouette signal.

  • Comment a évolué ton rapport à la langue française et au jeu au sein du Cours Florent à Bruxelles ?

En première année, nous avions commencé par l’échéance Moteur : un travail surtout autour du corps, et des bagages de Meyerhold, de Grotowski et d’Eugenio Barba. Nous devions proposer quelque chose de très personnel.

J’ai travaillé de l’Alexandrin plus tard, en fin de Deuxième année, ça n’a pas été simple. L’apprendre n’est pas compliqué, c’est très rythmé et codifié ; au niveau de la mémoire, cela va assez vite. Mais l’alexandrin est une forme ancienne de la langue française, la difficulté était de s’approprier le texte.

J’ai vraiment grandi pendant mes années au Cours Florent en tant que comédienne. Je ne pense pas que ce soit lié au rapport à la langue française. J’avais surtout le bon âge, une autre maturité. Les voyages m’ont aussi permis de murir. Mon évolution est plus liée à mon expérience en tant que comédienne au sein d’une telle école, qui pousse à développer sa singularité, sa personnalité sur scène. Elle permet cette liberté de venir avec ses propres idées, ses propositions, ses textes. On peut proposer des Cartes Blanches. On se retrouve soi et son imaginaire. 

  • Qu’avais-tu proposé comme Carte Blanche en Deuxième année ?

C’était un solo, un monologue d’un auteur brésilien : Madame Marguerite de Roberto Athayde. C’est une pièce qui met en scène une prof névrosée, avec un rapport aux élèves un peu fou. J’ai repris des morceaux pour deux Cartes Blanches. J’avais aussi proposé une petite création de 5 minutes sur Elena Quinteros, une femme politique de mon pays qui a été arrêtée et tuée pendant la dictature. Ça m’a permis de montrer mon bagage culturel.

  • Comment s’organisait ton temps entre ton travail de jour et le Cours Florent le soir, avec les cours et les répétitions ?

On s’organisait toujours avec le groupe du soir pour répéter le week-end, ou juste avant le cours, avant 19h30. J’ai eu un atelier Casting avec Shérazade Bennadi, un atelier masque avec Georges Bécot, un atelier d’Improvisation, de Corps en Jeu. J’ai pu dégager du temps pour suivre des cours complémentaires.

  • En troisième année, tu as travaillé avec trois metteur.se.s en scène différent.e.s ? Quelles étaient les spécificités pour vos Créations ?

On a d’abord travaillé avec Frédéric Hoffmann pour le premier module. C’était une échéance assez structurée, des portraits, des scènes… Le cadre était encore pédagogique, balisé. 

Avec Sarah Siré, nous avons travaillé fortement sur la création collective ; nous avons même été dans une maison de campagne pour tourner tous ensemble un court métrage pour notre spectacle. On a passé tout le week-end ensemble, et avons travaillé sur base d’improvisation et de personnages que nous avions créé. Ça a contribué à nous souder. Dans ce projet, on s’est réparti en sous-groupes en fonction des thèmes pour arriver à une création commune. On a fait beaucoup de recherches sur nos personnages, leur vie, leur parcours ; on a écrit nous-mêmes tous les dialogues, à partir de nos improvisations. Nous avons construit les différentes scènes comme ça.

Le module 3 a été dirigé par Myriam Saduis. C’était une autre rigueur, une sévérité positive. On venait avec des propositions, en travaillant les scènes, sans avoir été distribués. C’était sa méthode. En fait, à un mois de l’échéance, on se demandait ce qu’on allait faire ! Le résultat est qu’on avait une excellente connaissance des différents parcours de la pièce.

  • Tu es sortie de l’école en juin 2016, peux-tu nous raconter comment cela s’est passé ?

À la sortie, ça a fait un trou ! C’est là qu’il a fallu prendre sa carrière en main, être alerte, créer ses propres projets, construire sa place dans le monde professionnel. C’est la partie difficile, après avoir été encadrée pendant 3 ans. Tu passes des castings, mais c’est toi, en tant qu’actrice, qui génère tes opportunités.

Chacun fait ce cursus à différent moment de sa vie. Moi, il m’a permis de rebondir, de trouver mes marques dans le milieu, de trouver ma place. Il me manquait peut-être la partie gestion administrative. J’ai un peu pataugé au début, pour créer un dossier de présentation, un budget prévisionnel, pour attirer les programmateurs…

  • Et quels sont tes projets depuis ?

Le premier projet, qui a d’ailleurs chevauché ma dernière année au Cours Florent, et qui est toujours d’actualité, est celui avec la Compagnie Exception-Théâtre, avec laquelle on joue des pièces pédagogiques dans les écoles – je joue dans une pièce sur le cyber harcèlement et une sur les drogues. Nous avons repris notre TFE (Travail de Fin d'Etudes), La Campagne, déjà deux fois : au festival Murmurez Frénétique et au Théâtre de la Flûte Enchantée. Et normalement, on le reprend en mars 2019 aux Riches-Claires à Bruxelles.

Après justement le TFE, on a créé le Collectif Lycopina avec les copains florentins pour le faire tourner, et on ne voulait pas s’arrêter là. On a écrit un autre projet qu’on répète en ce moment. C’est Ouz de Gabriel Calderon, un auteur uruguayen contemporain. La particularité du projet est que l’on travaille avec une nouvelle metteuse en scène, qui vient du Conservatoire de Bruxelles. Nous l’avons rencontré par hasard : Pierre-Yves Jortay, un élève de la formation d'acteur, qui fait partie du Collectif, a été mis en contact avec elle après avoir discuté du projet à la bibliothèque. Du hasard des rencontres ! On s’est vu, on lui a montré la pièce, cela collait bien à son style. On répète depuis le mois de novembre. On fera une pause cet été, on reprendra en octobre, et on la présentera au début du mois de décembre. On espère pouvoir ensuite la présenter dans des festivals, des réseaux de théâtre.

Au niveau logistique des répétitions, on a pu, et encore ces semaines-ci, venir répéter au Cours Florent ; on a parfois loué des salles, ou été travaillé dans des lieux que notre entourage nous mettait à disposition. Et sinon, bien sûr, nous avons beaucoup travaillé chez nous ! Il faut faire avec les moyens qu’on a !

  • Vous êtes nombreux pour ce projet, comment travaillez-vous ensemble ?

Nous sommes 10 comédiennes et comédiens sur le plateau, on travaille pour l’instant par petit groupe, et on essaie de se voir tous ensemble une fois par mois. C’est un challenge, pour trouver des correspondances de dates. Pour La Campagne, nous étions trois en scène, c’était plus simple. Mais là on a un peu d’expérience, on prépare en avance le dossier, on a mieux compris le fonctionnement et le timing des programmations de théâtre. La Compagnie de la metteuse en scène nous aide aussi beaucoup, mais on doit toujours s’occuper de la partie production et logistique.

Finalement, on doit se projeter sur 3 ans pour diffuser un spectacle !

  • As-tu déjà participé à des projets audiovisuels – TV, cinéma, web ?

J’avais participé à un court-métrage, qui a été projeté au BIFF, le Brussels International Fantastic Films Festival. Aussi à des projets d’étudiants de l’IAD, ou autre, en tous cas dans un cadre scolaire. Ça m’a servi à prendre confiance sur le jeu face caméra. C’est assez différent. Pour moi c’est plus stressant que le plateau.

J’ai participé à un stage cinéma  sur les deux organisés pendant le cursus. J’ai eu l’occasion d’en faire d’autres après être sorties de l’école, avec Pico Berkowitch, avec Beatriz Flores Silva. Cela permet de s’entrainer, nos outils de travail sont toujours le corps, la voix !

  • Quelles différences notes-tu entre le jeu sur le plateau et le jeu face caméra ?

Au niveau du rapport à l’autre, sur un plateau, tu as l’énergie du public, l’énergie des collègues sur scène, c’est un moment unique et instantané ! La difficulté dans le jeu face caméra est pour moi dans sa froideur : on a pas la réponse, l’émotion du public, on ne sait pas si la prise est bonne. Au niveau de la concentration c’est aussi différent. J’arrive plus facilement à me concentrer au théâtre. Sur un plateau de tournage tout le monde court à gauche et à droite, c’est un challenge de rester focus, aussi avec toute la technique qui nous entoure.

Il faut aussi faire très attention à ces gestes au cinéma, cela doit être plus fin et délicat, pour que ça reste réaliste, alors qu’au théâtre, on peut se permettre plus de projection, être plus physique.

  • Quels conseils donnerais-tu à des élèves en troisième année de la formation d'acteur ?

Soyez persévérants. C’est un milieu très dur, dans lequel il faut faire sa place, il ne faut pas s’arrêter sur un échec, si on se décourage, on ne peut pas faire sa place !

Il fait aussi prendre sa carrière en main, se retrouver et construire des projets, aller à la rencontre de professionnels, de tous les gens avec qui ils seront amenés à travailler. 

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