Portrait

QingWei
Kong

Il y a toujours quelque chose de nouveau à apprendre de chacun.

Campus Paris
Année 2017
élève

Je suis né dans la province d’Heilongjiang, tout au nord de la Chine, où j’ai eu une enfance très heureuse. Les français localisent toujours mieux dès que je parle de l’ancienne Mandchourie. A l’âge de 16 ans, j’ai quitté le confort du domicile familial pour rejoindre seul Pékin afin d’y continuer mes études. Même si j’étais très fort en math et un des champions du jeu Tekken 6 BR (rire), j’ai fait le choix d’étudier le chinois ancien. J’ai adoré ça ! Un jour, à l’occasion d’un repars de famille, mon père me demande ce que je pense faire plus tard. Il est lui-même architecte. Je lui dis que je ne sais pas trop car il y a tant de métiers différents que j’aimerais expérimenter. Il me répond alors très sérieusement que dans ce cas, je devrais peut-être être acteur si je veux un jour être avocat et le lendemain policier, une autre fois un méchant trafiquant de drogue mafieux ou bien le chef d’un restaurant étoilé…  Je l’ai pris au mot ce jour-là. Mon choix était fait, je serai acteur !

Mon envie d’étudier en France vient très simplement du fait que j’ai lu sur internet que le cinéma est né en France à la fin du XIXème siècle, grâce aux recherches des Frères Lumière. Je voulais absolument aller étudier là où le cinéma était né, à sa source ! Je ne parlais à l’époque pas un seul mot de français (rire). Mes parents n’étaient pas très chauds à l’idée de me voir partir vers la France ; ils auraient préféré que je parte vers un pays anglophone, idéalement aux Etats-Unis.

  • Comment as-tu connu le Cours Florent ?

Des français installés à Pékin m’ont tout de suite parlé de la notoriété du Cours Florent à Paris. Ils m’ont expliqué qu’un nombre incalculable d’acteurs importants, tant en théâtre qu’en cinéma, étaient passé par cette école et ce, depuis des décennies. 

J’ai vite vu sur le site de Florent que les étudiants étrangers avaient une chance d’être acceptés. Hasard incroyable, un ami me signale qu’un représentant du Cours Florent à Paris allait passer par l’Université normale de Pékin pour y parler de l’école. Peut-être qu’il cherchait des talents, je n’ai jamais su exactement. Je suis allé le rencontrer. Il a été très sympa et a bien pris le temps, avec l’aide d’un traducteur, de me parler du Cours Florent et de m’en expliquer le fonctionnement. Mais il a précisé qu’avant toute chose, je devais vite apprendre le français !

J’ai d’abord signé pour quatre mois de cours intensifs de langue française à l’Alliance Française de Pékin, dans le quartier de Chao Yang que j’adore. J’ai en même temps commencé à prendre des cours de théâtre en français à l’Université normale de Pékin, avec Suzanne Marrot que tout le monde connait au Cours Florent. Le premier texte que nous avons travaillé et présenté au public de l’université, monté en seulement quelques semaines, est Le début de l’A. de Pascal Rambert. Je ne connaissais pas du tout le théâtre de Pascal Rambert à l’époque, ni même celui de quel qu’autre auteur français. Je me demande aujourd’hui ce que je comprenais du texte que je jouais devant tout le monde (rire). Puis je suis parti seul à Nice ; c’était la première fois que je quittais le sol chinois ! J’y ai passé à nouveau six mois à étudier à fond le français à L’Alliance Française de Nice. J’ai adoré cette période, la mer… mes camarades de classe qui venaient de tous les pays… c’était franchement formidable.

Enfin, comme prévu, je me suis inscrit au stage d’accès sur plusieurs jours. Je n’en menais pas large de devoir jouer en français devant des inconnus et ça m’a demandé une énergie folle à essayer de comprendre et travailler chaque texte, mais ça s’est très bien passé finalement. Peut-être que ma prononciation n’était pas si mauvaise (rire).

J’ai donc enfin été admis à rejoindre le Cours Florent, à la rentrée de septembre 2015.

Petite anecdote drôle en passant, il n’y a pas si longtemps à un diner, je raconte mon histoire à Pauline Roussille-Rosat, l’Administratrice des tournées de Pascal Rambert, qui me demande s’il y a une captation de cette version du Début de l’A. en français à Pékin afin de la montrer à l’auteur ? Je lui réponds que je ne pense pas alors que oui, bien sûr que j’ai une copie à la maison. Je n’ose même pas la regarder ! On était tous tellement débutants en langue française qu’on a dû massacrer le texte (rire). 

  • Que retiens-tu de ta formation au Cours Florent ?

C’est très dur de vous résumer ce que je retiens de la formation d'acteur  car il y aurait tant à dire. 

Avant tout, que les trois ans à Florent passent trop vite (rire). On croit que c’est une trop grande montagne à franchir et finalement tout me semble être allé beaucoup trop vite. J’imagine que c’est toujours comme cela quand on se sent bien quelque part. Je retiens peut-être avant tout que j’y ai appris à adorer être sur un plateau et travailler un rôle. Je n’y ai jamais peur, le plateau m’excite.

Je crois que j’ai eu énormément de chance d’avoir Gaëtan Vassart pour premier professeur, en première année. Il est tellement gentil et généreux, il m’a assez vite mis à l’aise et encouragé. Si on n’a jamais vécu à l’étranger, on ne peut imaginer combien c’était pour moi un challenge de devoir monter sur le plateau devant des camarades de classe qui étaient tous francophones ! Un extraterrestre ! Eux aussi étaient très chouettes et m’encourageaient beaucoup, sauf un qui me surnommait Jackie Chan. Des camarades de classe prenaient même beaucoup de leur temps libre pour me faire travailler ma prononciation entre deux répétitions. Il y a beaucoup de gens qui sont entrés dans mon cœur pendant ces trois années au Cours Florent et qui n’en sortiront jamais.

Imaginez ! Avant d’arriver à l'école, je n’avais jamais entendu parler de Feydeau, de Molière, de Racine ou de Beckett. Il y avait tant à apprendre. Je ne connaissais que les auteurs chinois ! Quand un camarade mettait quatre heures pour découvrir en totalité un texte, cela me prenait quatre jours intensifs à raison de sept heures par jour, dictionnaire électronique à la main ! 

Et puis un jour il y a les rires sur mes répliques de Monsieur Pinglet dans L’Hôtel du Libre-Echange, tous les retours super encourageants, et je me dis que tous mes efforts commencent à payer enfin et que je n’ai pas fait tout cela pour rien. Ce jour-là, je me dis que je suis à ma place.

  • Quel conseil pourrais-tu donner à un futur élève étranger du Cours Florent ?

Le premier conseil qui me vient à l’esprit, que je pourrais donner à un futur élève, étranger ou français, serait en troisième année de changer de professeur à la fin de chaque semestre car ils sont tous tellement différents ! Il y a toujours quelque chose de nouveau à apprendre de chacun. Et puis recommencer à zéro avec un professeur crée à chaque fois, selon moi, un inconfort intéressant et fertile. Et ne pas forcément choisir les mêmes personnes dans la classe pour partenaires d’une scène, changer souvent de partenaires, essayer de travailler avec chacun.

Quand on est étranger, on croit que tout est plus dur pour nous dans un premier temps, à cause de la langue et de la culture théâtrale à rattraper. Et puis un jour on réalise que certains de nos camarades travaillent à côté des cours, dans des bars le soir, ouvreurs dans les théâtres ou à l’opéra à placer le public ou tenir le vestiaire, ou même courent le cachet de figuration, tout cela pour pouvoir s’offrir un logement sur Paris, ce qui fait finalement relativiser sa propre difficulté rencontrée. Nous sommes en réalité tous égaux en termes de difficulté.

Je dirai qu’une certaine étape est gagnée quand à un moment sur le plateau, votre professeur et vos camarades voient en vous tout à coup l’Amoureux, le Naïf, le Rusé ou le Cocu, oubliant un moment que vous êtes le chinois du groupe. Chacun a ses singularités et l’urgence, quand on est étudiant étranger, est de mettre en avant sa singularité afin d’effacer la couleur de son passeport. Au vestiaire les histoires de nationalités, tous différents tous uniques dans le groupe !

Mon conseil à un étudiant étranger qui joindrait le Cours Florent, dès la deuxième année, serait d’oser se confronter à des professeurs qui n’ont pas la réputation d’être très faciles. C’est peut-être avec eux qu’on apprend le mieux ! Régine Menauge-Cendre, Antonia Malinova ou Olivier Tchang-Tchong ne sont pas des professeurs qu’on se met dans la poche en un claquement de doigts. Ils nous chamboulent, certains jours nous désarment totalement. Ils nous font perdre nos repères, toute forme de confort. Ils nous épuisent mais au bout du compte, ils nous apprennent énormément. Ce sont d’incroyables professeurs.

Enfin, le dernier conseil un peu humoristique que je donnerai à un étudiant étranger serait de rester très patient avec ses camarades français quand il s’agit de préparer les scènes, entre les cours. Jamais une répétition ne débute à l’heure car il y en a toujours un membre du groupe en retard. Une heure, deux heures, trois heures de retard parfois. Entant que chinois, pour moi c’était impossible à comprendre au début mais il faut essayer de vite s’habituer, les français sont comme ça ! Ils sont super chouettes mais toujours en retard ! Et ils vous trouvent toujours des raisons incroyables pour justifier leurs retards (rire). De futurs grands scénaristes certains de mes camarades ! Mais je les aime énormément, alors ça va.

  • Quels sont tes projets en cours ou à venir ?

Dans un avenir proche, je prépare des concours mais parce que je suis superstitieux, je ne vais pas vous en dire plus aujourd’hui. 

Mais si on parle du grand avenir, dans l’idéal, même si on ne cesse de me répéter que ce sera très compliqué à coordonner, mon rêve ultime serait de travailler tant en cinéma qu’en théâtre mais entre la France, à laquelle je suis follement attaché et que je ne souhaite pas quitter après tous ces efforts, et la Chine, le pays d’où je viens et qu’aucun autre ne saurait remplacer dans mon cœur. Je veux travailler dans les deux pays. Je veux tenter en France d’abord, je suis sur place ! J’observe, même si cela reste encore timide, qu’une certaine diversité en terme d’origines ethniques apparait progressivement sur les plateaux tant au cinéma qu’au théâtre. Je crois sincèrement que le public et la critique encouragent beaucoup ce mouvement. Je suis persuadé que nous ne sommes qu’au début du mouvement et qu’un jour, bientôt, les plateaux seront aussi diversifiés que les wagons du métro parisien ; aussi diversifiés que dans la vraie vie ! Alors je veux croire que j’ai une place, à un endroit dans ce métier, ici. Et cette place je vais la prendre honnêtement en donnant mon maximum et en défendant à fond chaque rôle que l’on me confiera.

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