Padrig Vion, ancien élève de la Classe Libre Théâtre, sorti en 2018
Portrait

Padrig
Vion

Rencontre avec Padrig Vion, ancien élève de la Classe Libre Théâtre

Campus Paris
Année 2018
ancien

"Travaillez, travaillez, travaillez. Le talent seul ne suffit pas. Soyez curieux, allez voir des spectacles, nourrissez-vous de tout ce qui peut enrichir votre art."

  • Padrig, raconte-nous : d’où viens-tu et comment t’est venue cette envie de devenir acteur ? 

Je m’appelle Padrig Vion, j’ai 30 ans, et je viens d’un village près de Notre-Dame-des-Landes. Enfant, mon rêve, c’était d’être James Bond ! Ça me vient de mon père, avec qui je regardais les films. Mais chez nous, être acteur, ce n’était pas un métier. Je ne savais même pas ce que c’était, la mise en scène, le théâtre… rien. 

J’ai passé des années à vadrouiller, à essayer plein de formations qui n’avaient rien à voir avec ce métier. Puis, en 2015, à 21 ans, je suis monté à Paris, sans plan précis, juste cette envie d’y arriver. 

  • Il y a eu un moment décisif qui t’a vraiment donné envie de te professionnaliser ? 

Oui, clairement. En arrivant à Paris, je me suis retrouvé un peu par hasard sur le tournage du film Au revoir là-haut d’Albert Dupontel. C’était une expérience géniale et, surtout, j’y ai rencontré Laurent Lafitte. On avait toutes nos scènes ensemble, et il m’a dit : « Si tu veux devenir acteur, il faut entrer en Classe Libre au Cours Florent, puis entrer au Conservatoire national. » Il parlait en connaissance de cause, c’était son propre parcours. 

Honnêtement, je ne connaissais rien de tout ça et j’avais plein d’a priori sur le Cours Florent. Mais j’ai tenté le concours de la Classe Libre, et je l’ai eu ! 

  • Comment s’est passé le concours de la Classe Libre ? 

Je ne connaissais presque rien du théâtre. Je suis arrivé avec des scènes de Molière – du Misanthrope, parce que j’avais dû voir le film avec Fabrice Luchini – et d’Éric-Emmanuel Schmitt, le seul auteur contemporain que j’avais vaguement en tête. Au troisième tour, il fallait jouer un monologue imposé de Jean-Luc Lagarce. Quand on m’a ensuite demandé qui était mon auteur contemporain préféré, j’ai répondu : « Jean-Luc Lagarce » (rires). Mais aujourd’hui, c’est vraiment devenu l’un de mes auteurs préférés. 

  • Et tes débuts en Classe Libre, c’était comment ? 

Honnêtement, la première année a été compliquée. J’étais en décalage complet, le gars de la campagne qui arrive à Paris. J’avais l’impression d’être « l’intrus ». Mais il y avait aussi des gens formidables, des enseignants incroyables comme Julie Sicard, Jean-Pierre Garnier, et surtout David Clavel, qui a été un pilier. 

Je me souviens aussi de mes camarades de Classe Libre, comme Théo Christine, Nadia Tereszkiewicz, Suzanne de Baecque et d’autres talents exceptionnels. C’était une promo folle ! C’était impressionnant de travailler avec des personnes aussi talentueuses. 

  • Qu’est-ce qui t’a marqué le plus pendant ces deux années ? 

L’intensité, la rigueur ! En Classe Libre, tu te lèves, tu travailles, tu répètes, tu crées. Et tu recommences. Ça m’a appris que ce métier est avant tout une question de travail.  

Et puis, il y a les spectacles. Je me souviens particulièrement de L’écume des jours, monté avec Igor Mendjisky. J’étais complètement perdu pendant les répétitions, et ce n’est qu’à la première que j’ai vraiment compris ce qu’il voulait. Il y a aussi notre pièce de sortie, Ce qui me restera de vous, mise en scène par Jean-Pierre Garnier. C’était un moment fort, un aboutissement. 

  • Pourquoi avoir voulu poursuivre au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique après la Classe Libre ? 

Déjà, parce que Laurent Lafitte m’avait dit que c’était « le » chemin à suivre. Et puis, c’était une sorte de quête personnelle. J’avais échoué deux fois avant de réussir le concours, et ça m’avait donné encore plus envie de l’avoir. Je l’ai aussi fait pour mes parents. C’était une façon de leur prouver que c’était du sérieux, que je pouvais en faire un métier. 

Le Conservatoire, c’était très différent de la Classe Libre, presque un monde des Bisounours ! Pourtant, ce qui m’a surpris, c’est qu’une fois admis, certains élèves semblaient penser que tout était acquis ! Chacun fonctionnait de son côté, et il a fallu un noyau dur pour ramener une dynamique de groupe et remettre le travail au centre. Heureusement, ma promo était incroyable – d’ailleurs, nous étions sept à être entrés de ma promo au Cours Florent – et c’est ce qui nous a permis de créer un vrai esprit collectif. 

  • Quelle est la leçon la plus marquante que tu retiens de tes années d’études, que ce soit au Cours Florent ou au Conservatoire national ? 

Que ta formation dépend de toi ! L’école te donne un cadre, mais c’est ton investissement et ta curiosité qui font la différence. Il faut tout essayer, tout explorer, parce que dans ce métier, ce que tu fais aujourd’hui porte ses fruits plus tard. Et tout ce que tu négliges te rattrape tôt ou tard. Finalement, j’ai beaucoup appris, et j’en suis sorti enrichi, mais toujours convaincu que le travail reste la clé de tout. 

  • Après le Conservatoire, comment s’est passée ta transition vers le milieu professionnel ? 

J’ai eu la chance de travailler assez rapidement, notamment grâce au JTN [Jeune Théâtre National]. J’ai également joué au TGP pour Agathe Mazouin et Guillaume Morel, et récemment pour Léna Paugam et Pierre Koestel [La confession d’un enfant du siècle d’Alfred de Musset]. J’ai aussi joué dans des films, fait du doublage – comme sur le dernier Miyazaki, Le garçon et le héron. Un rêve d’ado ! 

Un des tournages qui m’a le plus marqué, c’est Monsieur Aznavour, réalisé par Grand Corps Malade et Mehdi Idir. Ces deux-là, ils bossent dans la bienveillance et la douceur. C’est rare et précieux. Tout le monde sur le plateau est traité avec respect, et ça change tout. Pour moi, c’est primordial, c’est ce que je souhaite : travailler dans la douceur. 

Et puis en ce moment, je travaille sur un triptyque théâtral intitulé Mégalomane. Chaque volet explore une relation humaine : l’amour, l’amitié, et enfin les liens familiaux. C’est un projet personnel que je mène avec des amis proches, dont Lomane de Dietrich, Louis Battistelli et Mélodie Adda, qui était tous les trois au Cours Florent. Ce projet est particulièrement important pour moi, car il me permet d’allier écriture, mise en scène et jeu. 

  • Comment en es-tu venu à écrire pour le théâtre et à développer ce projet de triptyque ? 

J’ai rencontré Lomane de Dietrich au Cours Florent, quand on était en Classe Libre, avec David Clavel. On est devenus très proches, et on est ensuite entrés ensemble au Conservatoire. Dès le début, j’ai eu envie d’écrire pour elle. Au Conservatoire, j’ai commencé par des capsules : de petits monologues pour ma promo. L’un de ces projets, écrit pour Lomane et Louis, portait sur la rupture amoureuse. Initialement, ça devait être une capsule de 15 minutes, mais le confinement est arrivé et c’est devenu une pièce de 2h30, montée au Conservatoire. Elle a ensuite été envoyée à Théâtre Ouvert, retravaillée, et aujourd’hui elle fait 1h20 et se joue sur scène. 

Cette pièce explore les cycles amoureux qu’on reproduit sans fin, mais aussi des thématiques comme la bourgeoisie, un milieu qui me fascine en tant qu’observateur extérieur. J’adore m’inspirer des films de Sautet, Truffaut, ou de la Nouvelle Vague pour plonger dans ces dynamiques relationnelles, tout en questionnant nos propres schémas. Ce projet a lancé le triptyque avec Lomane, Mégalomane. Le deuxième volet traite de l’amitié, avec Mélodie Adda, et le troisième explorera la famille, avec Valérie et Laure de Dietrich, la mère et la sœur de Lomane. 

Travailler avec des gens que je connais bien est essentiel pour moi. Cela crée un environnement de confiance qui me permet de les pousser là où ils n’ont pas l’habitude d’aller, d’explorer des nuances de jeu inédites et des thématiques profondément humaines. 

  • Du coup, tu es plutôt théâtre ou cinéma ? 

Cinéma, parce que le cinéma a un rayonnement plus large, et c’est une manière différente de raconter des histoires. Dans ma famille, on va au cinéma, pas au théâtre. J’ai envie de raconter des histoires qui leur parlent aussi. 

Cela dit, j’ai une profonde admiration pour le théâtre. Un bon film, c’est un bon film. Mais un bon spectacle peut être un chef-d’œuvre absolu. Le théâtre a cette force-là.  

Pourtant, en tant qu’acteur, je suis naturellement attiré par le cinéma, son immédiateté, son accessibilité. Et puis, c’est un rêve d’enfant : gamin, je voulais être James Bond, et ça n’a pas changé. 

  • Donc, le rêve « fou », ce serait James Bond ? 

Totalement ! Ce serait dingue ! Ou alors, écrire un biopic sur Patrick Dewaere (rires).  

Pour mes projets concrets, en plus du troisième volet de mon triptyque, j’écris un seul-en-scène pour Clémence Boissé, une ancienne du Cours Florent et du TNS. J’ai aussi des scénarios en développement.  

Et puis, je veux revenir sur scène avec des projets plus axés sur l’écriture de plateau. Par exemple, je travaille avec Camille Bernon, qui était aussi au Cours Florent. Ce retour à la création collective me tient à cœur. C’est là où je me sens chez moi : écrire, jouer, et collaborer avec des gens qui partagent ma vision. 

  • Un dernier conseil pour les élèves actuels ou futurs du Cours Florent ou ceux qui aspirent à devenir comédien, comédienne ? 

Travaillez, travaillez, travaillez. Le talent seul ne suffit pas. Soyez curieux, allez voir des spectacles, nourrissez-vous de tout ce qui peut enrichir votre art. Et surtout, n’oubliez jamais que ce métier se fait à plusieurs. Tout seul, on ne va nulle part. 

Je me souviens, quand j’ai fini par réussir le concours du Conservatoire, j’avais donné 13 ou 14 fois la réplique pendant les auditions ! C’était collectif, quoi. Je l’ai eu grâce à tout le monde autour de moi. 

L'interview en vidéo

Crédit Photo : Guo HU

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