Portrait

Bruno
Blairet

Pouvoir vivre chaque matin à la source du poème, avec de jeunes acteurs c’est extraordinaire, on peut pousser plus loin ce que les poètes ont formulé du monde depuis des siècles. Nous sommes les fils d’Eschyle.

Campus Paris
Année
professeur
  • Quel a été ton parcours de jeune élève puis de professeur au Cours Florent ?

J’ai grandi dans ma banlieue en Seine-Saint-Denis avant les émeutes et voulais faire du théâtre depuis tout petit, comme beaucoup d’ailleurs mais certains grandissent et d’autres non ! Dans mon « bled » on ne connaissait pas le conservatoire mais on connaissait le Cours Florent. Je suis donc venu m’inscrire au Quai d’Anjou, avec à l’époque comme tout jeune professeur Jérôme Leguillier. J’ai arrêté l’école très jeune et suis entré en Première Année au Cours Florent. J’ai intégré par la suite la Classe Libre, puis le Conservatoire.

J’ai fait beaucoup de théâtre après mes études, toujours entre les contemporains et les anciens, Shakespeare et Olivier Py, entre le théâtre de l'Odéon à Paris et Le Shakespeare Globe Theatre à Londres. J’ai joué un peu au cinéma et à la télévision (Le Village Français…). Je suis revenu à l’école il y a huit ans environ comme professeur cette fois. C’était un retour aux sources pour moi et à la source du théâtre surtout ! Pouvoir vivre chaque matin à la source du poème, avec de jeunes acteurs c’est extraordinaire, on peut pousser plus loin ce que les poètes ont formulé du monde depuis des siècles. Nous sommes les fils d’Eschyle.

  • Quels sont tes objectifs pédagogiques en Deuxième année de formation d’acteur ?

J’essaie de travailler essentiellement sur des grands textes, aux styles puissants et difficiles, pas forcément des classiques mais des textes de grands auteurs. Quand on est perdu et qu'on veut savoir où on est, on ne regarde pas au bout de ses pieds, on regarde au loin ! On regarde les étoiles pas le fond de sa cafetière. Je demande beaucoup à mes élèves. Le but est de faire au moins une fois une vraie rencontre poétique, une de celle qui laissent une trace de feu dans notre histoire, et font de nous des incendiaires ! Et quand cela arrive, qui saurait dire qui est le maître où l’élève ? Faire qu’une pensée s’incarne dans un corps et qu’ils goûtent à cet amour et cette joie! Une fois mordus, ils ne lâchent plus. Mon  boulot c’est de veiller sur cette promesse qu’ils se sont faite un jour secrètement de sauver quelque chose du monde et qu’eux seuls ont vue. Cette vision, c’est cela secrètement que les spectateurs viennent contempler parce qu’elle est notre pur amour.

J’aime travailler ici, et pas seulement parce que mes souvenirs de jeune acteur sont là mais parce que je sais que juste à coté de moi, de l’autre côté du mur, dans l’autre salle, il y a quelqu’un qui dit sans doute exactement le contraire de ce que je raconte mais avec la même folie, la même démesurée passion pour notre art. Alors seulement nous pouvons être d’accord. Comme en musique, on ne fait pas d’accord entre deux même notes, il faut qu’elles soient différentes pour s’harmoniser. Alors je sais que nous ne sommes pas dans une secte, et que le choix chez nous ce n’est pas un vain mot.  Si Blairet devient vraiment trop insupportable,  on peut passer dans une classe complètement différente… (Enfin j’espère qu’on me le dire avant !)

  • Peux-tu nous parler de ton spectacle « l’homme de paille » de Feydeau ?

C’est une courte pièce de Feydeau, où deux messieurs se font la cour et se demandent en mariage. Comme toujours, la situation part  d’un malentendu : les deux hommes sont candidats pour épouser une certaine « citoyenne Marie », fraîchement nommée présidente du « parti radical libéral ». Celle-ci cherche de toute urgence un époux qui puisse occuper son siège et lui servir d’homme de paille. S’étant retrouvés en même temps chez cette fiancée idéale, les deux compères Farlane et Salmèque croient voir en l’autre la fameuse Marie déguisée en homme… Ils engagent  alors une danse de séduction exubérante, inventent des projets politiques fulgurants et fumeux. C’est une pièce où il est question de polygamie, d’art moderne, du divorce et des hammams. Nous la jouerons avec mon camarade Fréderic Le Sacripan dans ce formidable théâtre du Lucernaire à Paris du 25 mars au 13 juin.

Partager cet article